- les briquets de la mer
-
“ L’art, lui aussi, n’est qu’une manière de vivre et qu’elle que soit la vie qu’on mène, il est possible sans le savoir de s’y préparer”
R.M. Rilke
Il y a des endroits qui vous appellent. Des lieux qui exercent une grande attraction. Depuis plus de vingt ans, je retourne sur l’île de Minorque avec ma famille pour rencontrer sa nature puissante et nos amis.
Marcher sur ses chemins et ses côtes réveille les sens. Il est temps de prêter attention pour rester ouvert à l’importance des petites choses, aux détails de l’incommensurable. Ce faisant, cela devient un temps de réflexion, de méditation, de silence.
Le vrai luxe, la grande joie, c’est d’être là, devant l’obstination des vagues, les horizons, les infinis bleus, la succession des changements de lumière et les effluves qui viennent de partout.
Je ressens également une attirance particulière pour tous les objets que la mer comme avertissement nous retourne et dépose dans ces criques sauvages.
Ces deux mille cent vingt et un briquets, tous sans exception, ont été trouvés et collectés à la rencontre de la mer lors mes flâneries à travers les criques du nord de l’île.
Je suis attiré par la beauté de ces petits objets.
L’érosion du soleil, du sel, de l’eau de mer, du sable, des rochers, du vent, a transformé les briquets en minuscules sculptures. La patine du temps leur a attribué de nouvelles et intéressantes formes, textures et couleurs. Le hasard a fait le reste.
Une fois collectés, transportés, classés, presque méthodologiquement, je les ai photographiés dans mon atelier de Barcelone, dénués de toute référence, zénithalement, sur fond de lumière.
-
Ces images sont le témoignage insignifiant des millions et millions de ces dispositifs en apparence inoffensifs et éphémères, aucunement biodégradables, qui à ce stade continuent d’être dispersés à travers la planète.
Nous avons à notre portée les données “astronomiques” de la pollution mondiale par les plastiques. Il n’y a plus de temps pour des excuses. Nous subirons les conséquences désastreuses de notre prudence excessive si nous ne cherchons pas ensemble des solutions et si nous n’exigeons de tous ceux qui restent déterminés à ce que rien ne change qu’ils prennent leurs responsabilités.
Carles Roig